mardi 25 juillet 2023

Interview de Michel Brohet « Coopérer avec le végétal » [Bonus Esprit Bonsaï n°125]

 Michel Brohet, "cultivateur de bonsaï" belge interviewé dans Esprit Bonsaï 125, avait beaucoup à dire et à partager : il aurait été dommage de ne pas vous en faire profiter ! Voici donc un petit supplément à notre entretien publié dans le magazine. 

Interview : Michèle Corbihan

Michel Brohet dédicaçait son livre
De l'Arbre au Bonsaï, paru chez LR Presse,
au congrès de la Fédération française de bonsaï 2022,
à Vivier-au-Court, dans les Ardennes.


Michel Brohet cultive aussi des plantes qu’il vend juste
pour équilibrer son budget consacré au bonsaï
« L’argent entre dans une enveloppe.
Ce sont des euros-bonsaï qui n'ont pas le même
cours que l'euro. Quand il y a de l'argent

dans l’enveloppe],
je n'ai pas de scrupule
à sortir 1000 € pour acheter quelque chose. »


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

E. B. : Quel matériau utilisez-vous pour obtenir des bonsaïs ?

M. B. : La très grande majorité de mes arbres est issue des protocoles d’expérience que j'ai faits à mes débuts, donc quasiment que de semis, parce que j'ai abordé le bonsaï avec un esprit scientifique. Pour pouvoir tirer des conclusions, il ne faut pas avoir seulement quelques arbres. Mais je prends plaisir aussi à travailler avec des yamadori, quitte à les cultiver très longtemps pour obtenir les branches dont j'ai besoin. Par exemple, les pins ont de longues branches et certaines écoles produisent assez rapidement des bonsaïs acceptables en les fermant et en même temps en tournant excessivement les branches à l'intérieur pour les fermer, pour que l’on ne voit pas ce qui a été fait à l’intérieur. Je fais l’inverse : la première mise en forme ouvre l'arbre, et ensuite je cultive autant de temps que nécessaire pour obtenir des branches courtes pour donner du rythme à la ligne de tronc. C’est une autre façon de faire. L'arbre est beaucoup plus conforme à son essence en travaillant ainsi.

 

E. B. : Quelles essences préférez-vous travailler ?

M. B. : J’aime assez bien les conifères et les feuillus, mais j'ai peut-être plus de plaisir à travailler les feuillus parce qu’ils sont plus compliqués. Un conifère a un schéma de développement assez simple pour occuper l'espace : il reste bloqué sur une façon de pousser, donc c'est assez facile de le guider. On peut presque le guider de force, sans que cela se passe mal. En revanche, si on veut guider de force un feuillu, cela ne fonctionne pas. Il faut une collaboration plus fine. C'est un travail plus agréable parce qu’il y a toutes sortes de dosages à trouver pour les tailles à entreprendre ou pas, à faire à tel ou tel moment. Suivant la prédisposition du système racinaire d’un feuillu, un même travail ne produira pas les mêmes résultats.

 

E. B. : Combien d’arbres avez-vous au total ?

M. B. : Mon fils a compté l’année dernière plus de 450 pots dans lesquels il y avait des arbres. Mais il y a aussi ce que j'appelle ma partie production, peut-être bien 150 genévriers en devenir. Je ne sais rien jeter, donc un semis d’arbre qui vient dans un pot, je le récupère pour en faire quelque chose.

 

E. B. : Quel était votre objectif en écrivant votre livre De l’arbre au Bonsaï ?

M. B. : Mon objectif était avant tout de partager les techniques que je pratique. Je ne suis pas un formateur pour rien, j'aime bien partager mes connaissances, mes certitudes avec qui veut bien partager avec moi. Quand on se met dans le partage, on s'enrichit, parce que d'autres partageront avec vous, donc c'est gagnant-gagnant. Le livre, c'est pour partager avec le plus grand nombre, ni plus ni moins. Je ne me définis pas comme un maître, mais juste comme quelqu'un qui a appris à cultiver des arbres.

 

E. B. : Qu'est-ce qui vous anime le plus quand vous travaillez un arbre ?

M. B. : Je travaille assez bien d'instinct, donc je peux très bien laisser des arbres un ou deux ans. Je suis là pour les arroser, ce qui ne m'empêche pas de regarder ce qui se passe. Il y a toujours ce moment où je me dis « là, cet arbre est en train de préparer cela, à voir la manière dont il se développe. » ou « Tiens ! Je vais pouvoir le relancer pour produire telle ou telle chose, avec une intervention plus ou moins intense selon sa vigueur. » C'est cela qui est passionnant, et non le travail en soi. J’ai travaillé beaucoup d'arbres, je travaille presque tous les jours et les mains travaillent toutes seules. Si on commence à réfléchir avant de faire, on anticipe et on se braque sur la vision que l’on avait avant de commencer le travail. Tandis qu’en anticipant rien, tout en travaillant on se dit « Tiens ! De ce côté-là, je peux agrandir le shari » Cela permet d’entrer dans sa bulle, de ne pas être concentré sur un objectif particulier, de se laisser guider par ce que l’on voit, ce que l’on découvre.

 

E. B. : Comment décidez-vous de travailler un arbre

M. B. : L'observation est la carte maîtresse. Par exemple, il n’y a pas longtemps, j'ai refait une taille sur un feuillu que je n'avais plus touché depuis deux ans et demi, depuis qu'il avait été rempoté. L’arbre s'était fort affaibli et avait peut-être mal vécu la période juste après le rempotage, parce que je fais exprès de mettre les feuillus en difficulté, dans un but bien précis. Il faut attendre alors et j'ai attendu. À un moment donné, des éléments montrent que je vais pouvoir recentrer l’arbre parce que sa silhouette globale est en train de s'évaporer. J'ai beaucoup d'arbres qui sont lâchés sur mes étagères. J'ai l'avantage d'en avoir beaucoup à travailler, mais je ne fais que le minimum et le plus urgent. Je suis relativement peu dans le raffinement du raffinement, parce que je n'essaye pas de figer le résultat. J'ai toujours des arbres susceptibles d'être exposés au pied levé, mais je ne tiens pas la majorité de mes arbres prêts à être exposés.

Tokoname, une visite chez Reiho : les étapes de la fabrication d’un pot [Bonus Esprit Bonsaï n°125]

 

 Par Isabel Ribeiro

 

Représentant de la quatrième génération de l’atelier Seizan toen fondé en 1889, Katsushi Kataoka, dit Reiho, est toujours à l’œuvre dans son atelier. Lors de notre visite à Tokoname, au Japon, il nous a fait une démonstration de la fabrication d'un pot par estampage, dans un moule en plâtre. 


Le matériel est bien rangé et les appareils sont toujours en activité dans l’atelier Seizan Toen, à Tokoname, où Katsushi Kataoka, dit Reiho, travaille.


Ce plateau tournant est destiné à recevoir des pots de grande taille.

Le fond du pot, fait à la plaque, est étalé au fond de ce grand moule ovale. D’un geste rapide et précis, Reiho applique des colombins d’argile sur le pourtour du moule.

L’argile est écrasée à la main pour chasser et les bulles d'air éventuelles
et pour le faire adhérer à la première couche de terre.

Le fond et la paroi du pot sont en place.

Après avoir raclé l’excédent de terre sur le bord,
Reiho installe une pièce supplémentaire sur le dessus du moule pour faire le bord.

A l’aide d’un gabarit en bois respectant l’épaisseur voulue,
le potier lisse l’argile le long de la paroi.

Le geste, pratiqué maintes fois, est fluide.
Le pot tourne rapidement sur le pied.

Après une dernière retouche…

… le fond est à nouveau lissé à l’aide
d’une estèque en bois.

  Et à nouveau, Reiho lisse la paroi à l’aide du gabarit.





Il faut à présent retourner le pot pour le démouler et le finaliser.

Auparavant, les trous d’évacuation sont faits à l’aide d’un emporte-pièce.

Une feuille de journal protègera le fond du pot lors de la pose
d'une plaque de contre-plaqué.

Cette plaque, soutenue par des boudins d'argile, a pour vocation
de maintenir le fond lorsque le pot sera retourné.


Reiho recouvre le tout d'un morceau de bois bien plane.

Alors que l’ensemble pèse plusieurs kilos,
le potier se baisse pour saisir le moule et la planche…

... et retourner le pot

Le dessous du pot est parfait !

Quelques retouches !

Les pots sortis de leur moule sont mis à sécher
sur des planches à même le sol.

L’atelier Seizan ne se limite pas à la production de grands pots ovales. Reiho réalise diverses formes, comme ces pots « mokko » non émaillés ou des pots cascade carrés, dont un émaillé en bleu.

  À l’étage de l'atelier, des moules de différentes formes et tailles côtoient des pots émaillés
prêts pour la vente, sur place ou à l’international.


Les modèles variés montrent la diversité de la production de l’atelier Seizan.

Des pots pour shohin d'une grande sobriété,
réalisés dans différentes terres.

Un petit dernier.