Michel Brohet, "cultivateur de bonsaï" belge interviewé dans Esprit Bonsaï 125, avait beaucoup à dire et à partager : il aurait été dommage de ne pas vous en faire profiter ! Voici donc un petit supplément à notre entretien publié dans le magazine.
Interview : Michèle Corbihan
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Michel Brohet dédicaçait son livre De l'Arbre au Bonsaï, paru chez LR Presse, au congrès de la Fédération française de bonsaï 2022, à Vivier-au-Court, dans les Ardennes.
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Michel Brohet cultive aussi des plantes qu’il vend
juste pour équilibrer son budget consacré au bonsaï « L’argent entre dans
une enveloppe. Ce sont des euros-bonsaï qui n'ont pas le même cours que l'euro.
Quand il y a de l'argent dans
l’enveloppe], je n'ai pas de scrupule à sortir 1000 € pour
acheter quelque chose. »
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E. B. : Quel matériau utilisez-vous pour obtenir des
bonsaïs ?
M. B. : La très grande majorité de mes arbres est issue des protocoles d’expérience que j'ai faits à mes débuts, donc
quasiment que de semis, parce que j'ai abordé le bonsaï avec un esprit
scientifique. Pour pouvoir tirer des conclusions, il ne faut pas avoir seulement
quelques arbres. Mais je prends plaisir aussi à travailler avec des yamadori,
quitte à les cultiver très longtemps pour obtenir les branches dont j'ai besoin.
Par exemple, les pins ont de longues branches et certaines écoles produisent
assez rapidement des bonsaïs acceptables en les fermant et en même temps en tournant
excessivement les branches à l'intérieur pour les fermer, pour que l’on ne voit
pas ce qui a été fait à l’intérieur. Je fais l’inverse : la première mise
en forme ouvre l'arbre, et ensuite je cultive autant de temps que nécessaire
pour obtenir des branches courtes pour donner du rythme à la ligne de tronc.
C’est une autre façon de faire. L'arbre est beaucoup plus conforme à son
essence en travaillant ainsi.
E. B. : Quelles essences préférez-vous travailler ?
M. B. : J’aime assez bien les conifères et les
feuillus, mais j'ai peut-être plus de plaisir à travailler les feuillus parce
qu’ils sont plus compliqués. Un conifère a un schéma de développement assez
simple pour occuper l'espace : il reste bloqué sur une façon de pousser, donc
c'est assez facile de le guider. On peut presque le guider de force, sans que cela
se passe mal. En revanche, si on veut guider de force un feuillu, cela ne
fonctionne pas. Il faut une collaboration plus fine. C'est un travail plus
agréable parce qu’il y a toutes sortes de dosages à trouver pour les tailles à
entreprendre ou pas, à faire à tel ou tel moment. Suivant la prédisposition du
système racinaire d’un feuillu, un même travail ne produira pas les mêmes
résultats.
E. B. : Combien d’arbres avez-vous au total ?
M. B. : Mon fils a compté l’année dernière plus
de 450 pots dans lesquels il y avait des arbres. Mais il y a aussi ce que
j'appelle ma partie production, peut-être bien 150 genévriers en devenir. Je
ne sais rien jeter, donc un semis d’arbre qui vient dans un pot, je le récupère pour en faire quelque chose.
E. B. : Quel était votre objectif en écrivant votre
livre De l’arbre au Bonsaï ?
M. B. : Mon objectif était avant tout de
partager les techniques que je pratique. Je ne suis pas un formateur pour rien,
j'aime bien partager mes connaissances, mes certitudes avec qui veut bien
partager avec moi. Quand on se met dans le partage, on s'enrichit, parce que
d'autres partageront avec vous, donc c'est gagnant-gagnant. Le livre, c'est pour
partager avec le plus grand nombre, ni plus ni moins. Je ne me définis pas
comme un maître, mais juste comme quelqu'un qui a appris à cultiver des arbres.
E. B. : Qu'est-ce qui vous anime le plus quand vous
travaillez un arbre ?
M. B. : Je travaille assez bien d'instinct, donc
je peux très bien laisser des arbres un ou deux ans. Je suis là pour les
arroser, ce qui ne m'empêche pas de regarder ce qui se passe. Il y a toujours
ce moment où je me dis « là, cet arbre est en train de préparer cela, à
voir la manière dont il se développe. » ou « Tiens ! Je vais
pouvoir le relancer pour produire telle ou telle chose, avec une intervention plus
ou moins intense selon sa vigueur. » C'est cela qui est passionnant, et non
le travail en soi. J’ai travaillé beaucoup d'arbres, je travaille presque tous
les jours et les mains travaillent toutes seules. Si on commence à réfléchir
avant de faire, on anticipe et on se braque sur la vision que l’on avait avant
de commencer le travail. Tandis qu’en anticipant rien, tout en travaillant on
se dit « Tiens ! De ce côté-là, je peux agrandir le shari » Cela
permet d’entrer dans sa bulle, de ne pas être concentré sur un objectif
particulier, de se laisser guider par ce que l’on voit, ce que l’on découvre.
E. B. : Comment décidez-vous de travailler un arbre
M. B. : L'observation est la carte maîtresse. Par
exemple, il n’y a pas longtemps, j'ai refait une taille sur un feuillu que je n'avais
plus touché depuis deux ans et demi, depuis qu'il avait été rempoté. L’arbre
s'était fort affaibli et avait peut-être mal vécu la période juste après le rempotage,
parce que je fais exprès de mettre les feuillus en difficulté, dans un but bien
précis. Il faut attendre alors et j'ai attendu. À un moment donné, des éléments
montrent que je vais pouvoir recentrer l’arbre parce que sa silhouette globale
est en train de s'évaporer. J'ai beaucoup d'arbres qui sont lâchés sur mes
étagères. J'ai l'avantage d'en avoir beaucoup à travailler, mais je ne fais que
le minimum et le plus urgent. Je suis relativement peu dans le raffinement du
raffinement, parce que je n'essaye pas de figer le résultat. J'ai toujours des
arbres susceptibles d'être exposés au pied levé, mais je ne tiens pas la
majorité de mes arbres prêts à être exposés.