François Jeker, artiste connu du bonsaï, expose des peintures, des céramiques et des photos de land'art à la Cour des Chaînes, à Mulhouse, du 3 au 18 novembre 2016.
D’après les puristes, une oeuvre d’art devrait parler d’elle même et tenter de l’expliquer serait un aveu de faiblesse. Ils ont peut-être raison, mais du coup, ils excluent du monde de l’art une importante frange du public qui ne demande qu’à s’y familiariser. A commencer par les enfants.
L’artiste a un devoir de pédagogie pour rendre l’art accessible au plus grand nombre.
Mais c’est un exercice difficile.
Pourquoi ? L’artiste, même s’il croit avoir une intention claire, homogène, structurée, ne peut être conscient que d’une infime partie de ce qu’il raconte dans son travail. Il y a aussi la barrière du langage. Appliquer des mots sur une réalité complexe, contradictoire et très intime, c’est enfermer,
caricaturer, déformer et peut-être même mentir. La moins mauvaise solution pour expliquer une démarche, c’est de donner quelques pièces du puzzle, non pas de la partie centrale de l’image, mais de la périphérie. Le pouvoir évocateur de ces quelques pièces pourront suggérer des pistes, sans montrer le coeur du coeur de cette images.
Alors voilà quelques uns de ces éléments périphériques et anecdotiques.
Le Japon
• D’après la pensée shintô, la vieille religion autochtone, l’homme n’est qu’un petit élément d’un grand tout, la nature.
Un élément fragile, dépendant, vivant d’interactions très fines avec la nature.
Ainsi, pratiquer l’art du bonsaï, c’est d’abord apprendre à se plier avec bonheur aux contraintes que nous impose la nature (à commencer par celle du temps qui passe), à se laisser guider par l’arbre, à se mettre à son service en toute humilité. D’autant que nous ne sommes jamais propriétaires d’un
bonsaï, nous n’en sommes que les dépositaires transitoires. Quand nous ne serons plus là, il continuera à vivre ailleurs, caressé par d’autres mains. En occident, nous pensons (pensions ?) au contraire être le centre et les propriétaires de l’univers. C’est ce que nous suggère la Genèse. Nous pouvons donc user et abuser de la nature sans vergogne.
Picasso disait « La nature est notre ennemie, il faut la violer»…
Les jardins de Le Nôtre, à Versailles, avec ses alignements géométriques rigoureux et symétriques, ne sont qu’une façon d’affirmer la domination de l’homme sur la nature. Celle-ci nous rappelle en permanence que c’est bien
prétentieux.
• Dans le jardin japonais, en particulier le « Kare san sui », le jardin sec, le concept global, le choix et la forme des végétaux, leur agencement avec les pierres et du gravier donnent une impression de naturel. Pourtant, çà et là, nous allons trouver des bordures en pierre, des pas japonais rigoureusement carrés ou rectangulaires qui symbolisent l’homme qui cherche à vivre en harmonie avec la nature.
• Le kintsugi, « jointure en or » en japonais, est une technique utilisée pour réparer des poteries anciennes de valeur. Lorsqu’il manque des tessons, ils sont remplacés par de l’or massif.
Tout cela pour dire que l’or n’a pas d’importance, et que ce qui a de la valeur, c’est la poterie ancienne, brute, patinée par le temps, d’une beauté âpre.
En Équateur aussi, les chamans faisaient une offrande symbolique à la nature en déposant de l’or sur des roches ou au pied d’arbres remarquables.
Quiberon
Les falaises de Quiberon (en Bretagne) sont d’une beauté époustouflante. Une véritable dentelle de pierre sculptée par les vagues, la tempête, le vent, le gel. La nature nous démontre sa créativité souvent plus vaste que celle des humains, nous prouve sa puissance.
La roche, du granit, n’a pas résisté à l’usure du temps et aux intempéries. La roche la plus dure est paradoxalement éphémère, elle aussi.
Plein et vide
La notion de plein et de vide est fondamentale dans la peinture chinoise, coréenne et japonaise. Les Japonais disent « Ce n’est pas la rose qui est belle, c’est le vide qui est autour » ou « La beauté réside là où il n’y a rien ».
Voilà qui peut paraître bien exotique à nos yeux. Pourtant, il suffit de regarder les oeuvres du Caravage ou de Rembrandt : les vides immenses de la pénombre mettent en lumière les petites parties les plus signifiantes de la toile.
La nouveauté
Nous idolâtrons la nouveauté. « Tout beau, tout neuf » La nouveauté pour la nouveauté n’est-elle pas une impasse ? « La nouveauté est une vieille histoire ». En art surtout.
Il suffit d’aller à Lascaux, à la grotte Chauvet ou au Musée des arts premiers pour se mettre face à l’évidence. Le concept de nouveauté est bien illusoire.
Bien sûr, aujourd’hui, nous bénéficions de techniques nouvelles, mais ce ne sont que des moyens. Sur le fond, rien ne change, tout a été dit ou fait. Ne nous faut-il pas privilégier la singularité d’une oeuvre, plutôt que son caractère « novateur » ? Au Japon, des artistes contemporains utilisent les mêmes pinceaux, le même papier, la même encre qu’au début du 16e siècle. Et créent chacun une oeuvre contemporaine originale, unique et sincère.
Le métier
Nous avons parfois tendance à nous pencher davantage sur la démarche d’un artiste que sur le résultat de son travail. Certains, à l’extrême de ce raisonnement, dénigrent le métier. Le métier, la maîtrise technique, sont pourtant indispensables. D’abord par politesse pour le spectateur dès lors que l’artiste
a la prétention de montrer. Ensuite, pour qu’il n’y ait pas de déformation due à la maladresse, entre l’idée initiale et l’oeuvre finale.
Avec ces quelques éléments du puzzle, chacun pourra reconstituer sa propre image, qui sera tout aussi légitime que celle de l’artiste. Elle ne lui appartient plus dès lors qu’il a signé son travail.
A ce moment là, c’est le spectateur qui détient la vérité de ce qu’il décèle dans l’oeuvre.
François Jeker
Le parcours et le propos de l'artiste
François Jeker a étudié à l’école des Beaux-arts de Mulhouse, dans les années 70, pendant 7 ans.
Il a exposé pour la première fois ses toiles et photographies au Japon, en 1995, d’abord à Nagoya avec M. ITO, artiste peintre spécialisé dans la représentation des pivoines et des arbres, ensuite dans le Sogetsu Keikan à Tokyo : son travail avait été sélectionné par Hiroshi TESHIGAHARA, réalisateur de cinéma, maître d’Ikebana et collectionneur d’art.
Il a ensuite participé à différentes expositions collectives avec son ami Itsuki YANAÏ au Japon, puis avec d’autres artistes en Europe. Dans les dernières années, il s’est concentré sur trois types d’expression : la peinture, la céramique et le Land’art. Si les techniques diffèrent, les thèmes sont toujours les mêmes : la place de l’homme dans la nature, le rapport au temps.
Les peintures sont réalisées à l’acrylique, avec des rehauts à feuille d’or, un jeu entre vernis mats et brillants.
Pour une série de toiles, il a collaboré avec Denise LACH, calligraphe de renom international, auteure de plusieurs ouvrages publiés en trois langues.
Lorsqu’il rencontre une belle roche lors de ses voyages autour du globe, il fait un cadeau symbolique
à la nature en apposant des couches d’or de différents carats. L’or reste en place, il n’emporte que la photo.
Les céramiques ont été crées lors d’une résidence à l’IEAC, Institut Européen des Arts Céramiques
de Guebwiller. Passionné par l’art du bonsaï, il a écrit plusieurs ouvrages sur ce thème et circule dans le monde entier pour y donner des ateliers et conférences.
Il est le concepteur de l’exposition Bonsai Euro Top 30 dans le cadre des Folies’flore au Parc Expo à Mulhouse.
Cour des Chaînes
15 Rue des Franciscains, 68100 Mulhouse, France
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